BEAUTIFUL BASTERDS : deux salauds à Hollywood

L’été 2019 vient de nous enlever deux des derniers salopards que le grand écran nous ait projeté. Billy Drago le 24 juin et Rutger Hauer le 19 juillet s’en sont allés parcourir les plaines du Valhalla. Si l’histoire retiendra plus le fantasme aryen batave, principalement pour sa prestation iconique du cyborg Roy Batty dans Blade Runner (dont la scène de fin, improvisée, a été projetée à l’annonce de son décès ad nauseam), le serpent du Kansas mérite aussi un hommage pour la perfection de son interprétation des ordures.

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Après un début de carrière en tant que cascadeur et de “Bad guy with remarkable face # 1 “ face à Chuck Norris (Invasion USA, 1985) et Clint Eastwood (Pale Rider, 1985), Billy Drago est l’homme de deux principaux rôles : le tueur sadique et précieux Frank Nitti dans l’excellent Les Incorruptibles (1987) de Brian De Palma et le démon de la peur Barbas dans la série Charmed. Ce dernier rôle est le plus remarquable de par la popularité qu’il acquit, faisant de ce “méchant du mois” un personnage récurrent qui accompagnera les sœurs Halliwell jusqu’à la fin. Le reste de sa carrière se résumera à des caméos ou à des nanars assez imblairables. Mais ces deux personnages lui donnent le droit de figurer au panthéon des figures pop cinématographiques.


Rutger Hauer débute sa carrière en 1969 par la série télévisé Floris, sorte de Thierry La Fronde néerlandais, sous la direction d’un certain Paul Verhoeven. Le futur “Hollandais Violent” en fait son acteur fétiche sur ses premières œuvres Turkish Délice en 1973, Katie Tippel en 1975, Soldier of Orange en 1977 qui ouvrira les portes de l’Amérique à Rutger et Spetters en 1980. 

En 1981, Rutger Hauer rejoint la production chaotique de Les Faucons de la nuit de Bruce Malmuth. Ce polar surfant sur trop de vagues (plagiat stylistique du magnifique Serpico de Sidney Lumet sorti en 1973 ou encore les éléments de scénario calqués sur les crimes de Carlos “Le Chacal” qui apparaissait en antagoniste dans La mémoire dans la peau, best-seller du moment de Robert Ludlum), tourné avec Sylvester Stallone et Billy Dee Williams (cherchant tous deux à ne pas être prisonniers de leurs rôles de Rocky Balboa et de Lando Calrissian) est un échec artistique mais assure une reconnaissance critique à Hauer qui est parfaitement vénéneux dans le rôle du terroriste international Wulfgar. Lors du tournage, il organise des rencontres entre Verhoeven et les officiels des studios, ce qui aboutira à la coproduction européano-américaine du surprenant et pourtant culte La Chair et le Sang en 1985, film médiéval ultraviolent qui ferait passer Game of Throne pour un épisode du Disney Club. Mais le comédien, entretemps starifié avec Blade Runner, Osterman Week-end (dernier film du grand Sam Peckinpah) et Ladyhawke de Richard Donner en 1985, est devenu capricieux et craint beaucoup l’impact sur son image aux USA des actions ignobles de son personnage de mercenaire sans pitié et fera du tournage un enfer, ruinant son amitié avec Verhoeven (qui gagnera tout de même son ticket d’entrée pour Hollywood avec ce film et pourra réaliser Robocop avec le succès que l’on connaît). La fin des 80’s annonce une période faste mais sans gloire pour le comédien qui multiplie les projets sans envergure et entame une ère de cachetonnage. Quelques rôles dans les années 2000 (pour Clooney dans Confessions d’un homme dangereux en 2002, Robert Rodriguez dans Sin City et Christopher Nolan dans Batman Begins en 2005) prouvent qu’il est encore respecté sans créer pour autant un retour de flamme. Quelques rôles dans son pays natal (Bruegel en 2011, Michiel de Ruyter en 2015) lui assurent encore quelques succès entre de multiples films direct to dvd et autres erreurs cinématographiques (Gangsterdam avec Kev Adams ou Valérian en 2017 pour ne citer que les plus connus).

Si les deux carrières sont incomparables, l’impact culturel pour les cinéphiles du travail de ces deux hommes qui seront prisonniers d’un rôle plus grand qu’eux-mêmes justifie que l’on associe nos pensées funèbres pour leurs disparitions. 

THE WATCHER

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