La Tendre Indifférence du Monde

Rarement film n’aura aussi bien porté son titre. La Tendre Indifférence du Monde, c’est d’abord le récit de drames ordinaires, de vies brisées par le manque d’empathie de leur entourage. Kuandyk et Saltanat sont amis depuis l’enfance. Insouciants et heureux dans la ferme familiale de la famille de Saltanat, ils sont rattrapés par la dure réalité de la vie quand Saltanat est envoyée en ville par sa mère pour épouser son oncle afin d’éponger les dettes qui menacent l’équilibre familial. Sous prétexte de vouloir ouvrir une affaire en ville, Kuandyk accompagne son amie dans ce voyage sans retour. 

Il y a de la tragédie grecque au cœur de ce récit, dans cette fatalité pesante qui freine des personnages innocents en quête de liberté. Poids de la famille, dettes, quête d’amour et de reconnaissance sont les thèmes phares du film et autant de prisons mentales qui brisent les ailes de Kuandyk et Saltanat. Des prisons pourtant banales, quotidiennes, faciles, courantes, de celles que l’on connaît tant qu’elles nous indifférent presque…Avec tendresse.

La Tendre Indifférence du Monde c’est aussi une citation tirée de l’Étranger d’Albert Camus. Figure emblématique du film, Camus sert de fil rouge à l’histoire comme de prétexte au développement de l’histoire d’Amour entre Kuandyk et Saltanat. Pour gagner l’intérêt de la jeune femme en effet, Kuandyk lit en cachette depuis dix ans les livres de Saltanat pour être à son niveau. Camus, c’est aussi ce lyrisme défaitiste caractéristique, cette poésie merveilleuse des derniers instants, de ceux que l’on sait déjà sans espoirs.

La endre Indifférence du Monde est un récit crépusculaire dont on sait par avance l’issue fatale. Le film se déroule d’ailleurs souvent au coucher du soleil, dans des ambiances rouges magnifiques d’où les personnages se détachent en ombres chinoises, déjà ombres fantomatiques, presque disparus de ce monde. La robe de Saltanat, rouge feu, est autant symbole de l’amour ardent qui étreint les personnages que de ce rouge de fin du monde qui teinte tout le film. 

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La seconde référence littéraire citée par Kuandyk est Shakespeare. On ne peut évidemment pas s’empêcher de penser à Roméo et Juliette dont l’amour impossible ne trouve de résolution heureuse que dans la mort.

Tout lecteur attentif à ce stade aura déjà eu l’opportunité de se demander 50 fois « mais foutre Dieu que diable, que fait un film aussi sombre au Fifigrot et son humour potache ? » Eh bien figurez-vous que malgré tout ce mélodrame, le film est rythmé par un humour noir, cynique et absurde qui ne le rend jamais pathétique. Nous ne sommes pas ici face à une production au ton larmoyant. On compare souvent ce film à ce que pourrait produire Aki Kaurismäki en Finlande. La comparaison est très juste au niveau de la tonalité et de l’approche de sujets dramatiques par l’absurde, les références au film noir en moins et le lyrisme poétique en plus.

La Tendre Indifférence du Monde sonne comme un appel à l’empathie universelle envers ces vies si banalement brisées. C’est une ode à la poésie et à l’amour, le vrai, de celui qui dure… À la vie, à la mort. Une superbe parenthèse originale, cynique et pourtant profondément poétique.

 À voir à Toulouse dans le cadre du Fifigrot le mercredi 19 septembre à 22h, et en sortie nationale dans toute la France à partir du 24 octobre 2018, distribué par Arizona Films.

Dolores

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